(Jur) Qualification de l’infraction de blanchiment et justification des peines prononcées
Aux termes de l’article 324-1 alinéa 2 du Code pénal, le blanchiment est défini comme le fait d’apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.L’opération de placement consiste notamment à mettre en circulation dans le système financier des biens provenant de la commission d’un crime ou d’un délit.La caractérisation du délit de blanchiment n’implique pas, dans ce cas, que soit établie une dissimulation de l’origine illicite de ces biens.Il s’en déduit que l’opération de dépôt ou de virement du produit d’un crime ou d’un délit sur un compte, y compris s’il s’agit de celui de l’auteur de l’infraction d’origine, qui conduit à faire entrer des fonds illicites dans le circuit bancaire, constitue une opération de placement caractérisant le délit de blanchiment.Pour condamner le prévenu à cinq ans d’emprisonnement dont trois ans assortis du sursis sans prononcer d’aménagement pour la partie ferme, une amende, cinq ans d’interdiction de gérer et ordonner la confiscation des sommes portées au crédit de ses contrats d’assurance-vie et d’assurance-retraite, l’arrêt de la cour d’appel de Papeete relève que le prévenu, gérant de la société, est le principal auteur et bénéficiaire du système d’escroquerie mis en place qui lui aurait permis de percevoir des fonds évalués à plus de trois fois le montant de l’amende.Il retient que le prévenu, âgé de 73 ans, aujourd’hui retraité, ne présente aucune condamnation à son casier judiciaire, qu’il est marié et, qu’absent à l’audience, il n’a pas été justifié de ses revenus et de ses charges.Il énonce que toutefois en prenant en compte l’extrême gravité de l’infraction commise au préjudice de l’État, de la Polynésie française et de nombreux investisseurs métropolitains, du caractère très élaboré du système d’escroquerie mis en place, de l’ampleur du préjudice commis, la juridiction pénale de première instance a fait une juste application de la loi pénale en le condamnant à une peine de cinq ans d’emprisonnement dont trois ans avec sursis, toute autre sanction étant manifestement inadéquate.Les juges ajoutent que l’importance des profits tirés de ses agissements délictueux justifie également le montant de l’amende prononcée par la juridiction pénale de première instance.Ils concluent, après avoir rappelé les dispositions de l’article 324-7 du Code pénal qui la prévoit, que c’est à juste titre que le tribunal correctionnel a prononcé une interdiction de gérer pendant 5 ans, peine complémentaire tout à fait adaptée en l’espèce, le délit ayant été commis par le prévenu dans le cadre de la gestion de ses sociétés.Ainsi, la cour d’appel justifié sa décision. En effet, en premier lieu, ces motifs satisfont aux exigences de motivation des peines d’emprisonnement et d’interdiction de gérer posées par les articles 132-19, 132-1 et 485 du Code pénal dès lors que, d’une part en se référant au casier judiciaire du prévenu, les juges se sont prononcés en tenant compte de la personnalité du prévenu, d’autre part, si des attestations relatives à son état psychologique étaient jointes aux conclusions déposées devant la cour d’appel par le conseil du prévenu, non-comparant, ces dernières ne comportaient aucun développement permettant aux juges de les prendre en compte.En second lieu, ces motifs satisfont aux dispositions des articles 132-1 et 132-20 du Code pénal relatives à la motivation de la peine d’amende, dès lors que d’une part la cour d’appel constate que le prévenu, non-comparant devant elle, n’a fait produire aucun élément de nature à justifier ses ressources et ses charges et d’autre part il ne lui appartient pas de rechercher d’autres éléments que ceux dont elle dispose.Mais il résulte de l’article 132-19 du Code pénal que le juge qui prononce une peine d’emprisonnement susceptible d’aménagement doit, s’il décide de ne pas l’aménager, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle.La cour d’appel, pour condamner la prévenue, comparante à l’audience, à quatre ans d’emprisonnement dont deux ans assortis du sursis sans prononcer d’aménagement pour la partie ferme, l’arrêt attaqué énonce que la personnalité et la situation de l’intéressée ne permettent pas matériellement, en l’état, d’ordonner une mesure d’aménagement de la peine d’emprisonnement ferme prononcée, aucune pièce du dossier ne permettant d’évaluer la faisabilité technique d’une telle mesure et que la mise en place des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du Code pénal pourra être envisagée en application de l’article 707 du Code de procédure pénale, qui dispose que les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d’exécution, par le juge de l’application des peines informé de la présente décision.Ainsi, la cour d’appel ne justifie pas sa décision.En effet, en premier lieu, en se prononçant par des motifs abstraits, elle ne s’explique pas suffisamment sur les éléments relatifs à la personnalité et à la situation personnelle de la condamnée ayant fondé sa décision de ne pas aménager la peine prononcée ou rendant matériellement impossible cet aménagement.En second lieu, l’absence d’étude technique de faisabilité ne saurait suffire à établir cette impossibilité matérielle.