(Jur) Aide à l’entrée et au séjour des étrangers : conditions de l’exemption pénale
Un justiciable est renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’avoir commis l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger en France, en l’espèce pour avoir transporté dans son véhicule deux ressortissants maliens et deux ressortissants libyens. Après avoir constaté que l’un des étrangers pouvait avoir la nationalité française, le prévenu est déclaré coupable des autres faits et condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, outre une mesure de confiscation.Il résulte de l’article L. 622-4, 3°du CESEDA qu’est accordé le bénéfice de l’immunité pénale à toute personne physique ou morale ayant apporté une aide à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger lorsque l’acte reproché, ne donnant lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte, a consisté à fournir une aide apportée dans un but exclusivement humanitaire.Pour dire que le prévenu ne pouvait bénéficier des dispositions de ce texte et le déclarer coupable des faits poursuivis, la cour d’appel d’Aix-en-Provence relève que si la démarche du prévenu n’a donné lieu à aucune contrepartie et visait à assurer le gîte et le couvert à ses passagers, sa propre audition, celles de sa mère et des migrants font apparaître que le prévenu n’avait pas connaissance de l’éventuelle situation de détresse de ces derniers.Les juges ajoutent que les déclarations du prévenu, selon lesquelles il aurait agi uniquement à titre personnel et non pour le compte d’une association d’aide aux migrants, sont démenties par ses autres réponses apportées aux gendarmes et par les données de l’enquête dès lors qu’il a précisé appartenir à cette association, dont les juges retiennent qu’il est de notoriété publique qu’elle apporte aide et assistance à des personnes étrangères en situation irrégulière, et connaître son responsable.Ils en concluent que l’exemption pénale dont se prévaut le prévenu, sans que soient remises en cause l’absence de contrepartie directe ou indirecte ainsi que la motivation du prévenu d’agir selon sa conscience et ses valeurs, n’est pas établie, dès lors que la prise en charge de plusieurs personnes étrangères, en situation irrégulière, par le prévenu à bord du véhicule de sa mère avec la volonté de les transporter chez une autre personne n’a pas été réalisée dans un but uniquement humanitaire.Ils retiennent en effet que les actes du prévenu, dépourvus de toute spontanéité et constitutifs d’une intervention sur commande sans connaissance de l’éventuelle situation de détresse des migrants, qu’il savait avoir pénétré illégalement en France, se sont inscrits, de manière générale, dans le cadre d’une démarche d’action militante en vue de soustraire sciemment des personnes étrangères aux contrôles mis en œuvre par les autorités pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration.Ainsi, la cour d’appel méconnaît le texte susvisé et l’article 593 du Code de procédure pénale.En premier lieu, la situation de détresse des migrants n’est pas un élément visé par l’article L. 622-4 3° du CESEDA.En deuxième lieu, il ne résulte nullement de ces dispositions légales que la protection dont bénéficient les auteurs d’actes accomplis dans un but exclusivement humanitaire soit limitée aux actions purement individuelles et personnelles et qu’en soit exclue une action non spontanée et militante exercée au sein d’une association.En troisième lieu, si l’aide apportée aux fins de soustraire sciemment des personnes étrangères aux contrôles mis en œuvre par les autorités pour appliquer les dispositions légales relatives à l’immigration peut constituer un but excluant son auteur du bénéfice de l’exemption prévue par ce texte, la cour d’appel, qui s’abstient de caractériser un tel mobile, ne peut se contenter de procéder par voie d’affirmation.