(Jur) Campement de gens du voyage et droit de propriété
Si la mesure d’expulsion d’un occupant sans droit ni titre caractérise une ingérence dans le droit au respect du domicile de celui-ci, protégé par l’article 8 de la Conv. EDH, cette ingérence, fondée sur l’article 544 du Code civil, selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et sur l’article 545 du même code, selon lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité, vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses biens, protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la convention précitée.Une commune, propriétaire de parcelles en bordure d’autoroute sur lesquelles est installé un campement de gens du voyage, assigne en référé les occupants pour obtenir leur expulsion.Pour rejeter la demande, l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence retient que, si les personnes dont l’expulsion est demandée occupent sans droit ni titre depuis 2015 deux parcelles appartenant à la commune et que le trouble manifestement illicite est avéré du fait d’une occupation irrégulière des lieux, il ressort cependant des pièces versées aux débats que l’expulsion est de nature à compromettre l’accès aux droits, notamment, en matière de prise en charge scolaire, d’emploi et d’insertion sociale, de familles ayant établi sur les terrains litigieux leur domicile, même précaire, en l’absence de toute proposition de mesures alternatives d’hébergement de la part des pouvoirs publics, de sorte que la mesure sollicitée apparaît disproportionnée au regard des droits au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, à la protection de leur domicile et à la préservation de l’intérêt de leurs enfants.Ainsi, la cour d’appel viole les textes précités puisque, l’expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l’ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l’occupant ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété.NOTE : Une simple confirmation de jurisprudence. Dans l’arrêt de la même chambre du 4 juillet 2019, la Cour de cassation avait approuvé l’expulsion décidée par la cour d’appel de Montpellier (à laquelle la cassation ci-dessus renvoie l’affaire). Les propriétaires des parcelles occupées étaient des particuliers, et non une commune défendant son droit de propriété sur une parcelle bordant l’autoroute. Ceci expliquerait-il cela ? À suivre.