(Jur) Charge de la rémunération pour copie privée à la lumière du droit européen

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Conformément à l’article L. 311-4, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle, la rémunération pour copie privée est versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l’article 256 bis du Code général des impôts, de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports.Cette disposition, bien qu’antérieure à la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit, selon une jurisprudence constante, être interprétée à la lumière de cette directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci (CJUE, 13 nov. 1990, n° C-106/89, Marleasing, CJUE, 5 oct. 2004, n° C-397/01, Pfeiffer et a., CJUE, 19 avr. 2016, n° C-441/14, Dansk Industri), sans que, toutefois, l’obligation d’interprétation conforme puisse servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (CJUE, 4 juill. 2006, n° C-212/04, Adeneler, CJUE, 19 avr. 2016, Dansk Industri, Cass. 1re civ., 15 mai 2015, n° 14-13151).Aux termes de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29, les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction, lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non-application des mesures techniques visées à l’article 6 aux œuvres ou objets concernés.La CJUE a dit pour droit (CJUE, 16 juin 2011, n° C-462/09, Stichting de Thuiskopie) que : « La directive 2001/29, en particulier son article 5, paragraphes 2, sous b), et 5, doit être interprétée en ce sens qu’il incombe à l’État membre qui a institué un système de redevance pour copie privée à la charge du fabricant ou de l’importateur de supports de reproduction d’œuvres protégées, et sur le territoire duquel se produit le préjudice causé aux auteurs par l’utilisation à des fins privées de leurs œuvres par des acheteurs qui y résident, de garantir que ces auteurs reçoivent effectivement la compensation équitable destinée à les indemniser de ce préjudice. À cet égard, la seule circonstance que le vendeur professionnel d’équipements, d’appareils ou de supports de reproduction est établi dans un État membre autre que celui dans lequel résident les acheteurs demeure sans incidence sur cette obligation de résultat. Il appartient à la juridiction nationale, en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la compensation équitable auprès des acheteurs, d’interpréter le droit national afin de permettre la perception de cette compensation auprès d’un débiteur agissant en qualité de commerçant ».Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’a précédemment jugé la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 07-15066), lorsqu’un utilisateur résidant en France fait l’acquisition, auprès d’un vendeur professionnel établi dans un autre État membre de l’Union européenne, d’un support d’enregistrement permettant la reproduction à titre privé d’une œuvre protégée, et en cas d’impossibilité d’assurer la perception de la rémunération pour copie privée auprès de cet utilisateur, l’article L. 311-4 du Code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que cette rémunération est due par le vendeur qui a contribué à l’importation dudit support en le mettant à la disposition de l’utilisateur final.Or la cour d’appel de Paris a relevé, d’une part, que la société qui propose à la vente sur Internet des supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres ne peut pas se prévaloir de la clause des conditions générales de vente transférant au client final le paiement des « taxes spécifiques aux États comme par exemple des taxes sur les droits d’auteur », laquelle aurait pour effet d’annihiler l’effectivité de l’indemnisation due aux ayants droit au titre de l’exception de copie privée, d’autre part, que les commandes de supports d’enregistrement vierges effectuées par des consommateurs français, à partir de son site rédigé en français et permettant le paiement en euros, étaient livrées sur le territoire national. Elle fait ainsi ressortir qu’il se révèle, en pratique, impossible de percevoir la rémunération équitable auprès des utilisateurs finaux et que la société précitée a contribué à l’importation des supports litigieux.C’est dès lors à bon droit, et sans se livrer à une interprétation contra legem du droit national ni faire produire un effet direct à la directive 2001/29, que la cour d’appel en déduit qu’en tant que commerçant vendant sur le territoire national des produits assujettis à la rémunération pour copie privée, la société est redevable du paiement de cette rémunération et que, par suite, son obligation à l’égard de la société de perception des droits n’est pas sérieusement contestable.

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