(Jur) Contrat d’entreprise : délai de prescription et régime de sa suspension

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Bouygues immobilier, en qualité de maître de l’ouvrage, confie à une société de travaux publics l’exécution de travaux de voirie et réseaux divers dans une propriété. Se plaignant du retard dans la réalisation des travaux et de désordres, les propriétaires assignent en référé les sociétés Bouygues et le sous-traitant et obtiennent la désignation d’un technicien qui dépose son rapport le 25 octobre 2011. Les propriétaires concluent une transaction d’indemnisation avec la société Bouygues qui assigne, le 14 décembre 2015, le sous-traitant en indemnisation de ses préjudices.Selon l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Il résulte de l’article L. 110-4 du Code de commerce que le même délai s’applique aux actions entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.Selon les articles 2239 et 2241 du Code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.L’article 1792-4-3 du Code civil, créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants, à l’exception de celles qui sont régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2 du même code, se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. Ce texte ne saurait ainsi recevoir application lorsqu’aucune réception de l’ouvrage n’est intervenue.La Cour de cassation avait décidé, avant l’entrée en vigueur de la loi précitée, que la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres de construction révélés en l’absence de réception se prescrivait par dix ans à compter de la manifestation du dommage (Cass. 3e civ., 24 mai 2006, n° 04-19716). Le délai d’action contre le constructeur, initialement de trente ans, avait ainsi été réduit.L’article 2224 du Code civil issu de la loi précitée dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans et ce délai est repris par l’article L. 110-4 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la même loi, pour les actions nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants.Dès lors, la cour d’appel d’Aix-en-Provence retient exactement que le délai de prescription applicable en la cause était celui de cinq ans prévu par ces textes et que ce délai avait commencé à courir à compter du jour où la société Bouygues avait connu les faits lui permettant d’exercer son action à l’encontre du sous-traitant, soit le jour de l’assignation en référé du 25 mars 2010.Cependant, la Cour de cassation a jugé que seule une initiative du créancier de l’obligation peut interrompre la prescription et que lui seul peut revendiquer l’effet interruptif de son action et en tirer profit (Cass. com., 9 janv. 1990, n° 88-15354, Cass. 3e civ., 14 févr. 1996, n° 94-13445, Cass. 2e civ., 23 nov. 2017, n° 16-13239).De la même façon, lorsque le juge accueille une demande de mesure d’instruction avant tout procès, la suspension de la prescription, qui fait, le cas échéant, suite à l’interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d’exécution de la mesure et ne joue qu’à son profit (Cass. 2e civ., 31 janv. 2019, n° 18-10011).La cour d’appel qui, pour condamner le sous-traitant au paiement de différentes sommes à la société Bouygues, retient que l’action engagée par celle-ci sur le fondement contractuel, en l’absence de réception, se prescrit par cinq ans en application de l’article 2224 du Code civil ou de l’article L. 110-4 du Code de commerce, que l’assignation en référé du 25 mars 2010 a interrompu le délai de prescription et que ce délai s’est trouvé suspendu durant les opérations de consultation jusqu’au dépôt du rapport, viole ces textes.En effet, l’interruption puis la suspension de la prescription quinquennale de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres révélés en l’absence de réception de l’ouvrage n’ont pas profité à la société Bouygues, l’instance en référé ayant été introduite par les propriétaires.

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