(Jur) Le placement à l’isolement d’un détenu n’est pas en lui-même un traitement inhumain
Le requérant est un ressortissant français, en détention provisoire notamment pour des faits de fraude à la taxe carbone. L’administration pénitentiaire informa le juge d’instruction que des écoutes téléphoniques avaient permis d’identifier les contacts extérieurs dont le requérant se servait pour obtenir des services. Il fut placé à l’isolement à titre provisoire pour avoir été trouvé en possession d’objets ne pouvant être achetés dans la prison et l’administration pénitentiaire informa le juge d’instruction que des écoutes téléphoniques avaient permis d’identifier les contacts extérieurs dont le requérant se servait pour obtenir des services. Il fut placé à l’isolement à titre provisoire pour avoir été trouvé en possession d’objets ne pouvant être achetés dans la prison et le juge des référés administratifs rejeta sa demande de suspension de l’exécution de cette décision. Admis à l’unité psychiatrique d’hospitalisation de la prison, il en sortit le surlendemain, à sa demande, et fut replacé à l’isolement. Il présenta une nouvelle demande de suspension de l’exécution de la décision le plaçant à l’isolement, faisant notamment valoir que son état de santé s’était considérablement dégradé depuis son précédent recours et que la détention de produits d’hygiène et autres ne constituait pas un risque pour l’établissement pénitentiaire ou les personnes mais le juge des référés rejeta la requête par une ordonnance dont le requérant fit appel. Avant le terme prévu, le directeur du centre pénitentiaire décida la levée de la mesure d’isolement et le requérant fut jugé et condamné par le tribunal correctionnel de Paris à neuf ans de prison et un million d’euros d’amende dans l’affaire des fraudes à la taxe carbone. La cour d’appel de Paris porta la peine du requérant à dix ans de prison.En fuite, depuis sa remise en liberté, le requérant ne se présenta pas aux deux audiences.Le requérant allègue que son maintien à l’isolement est contraire à l’article 3 de la Convention.La Cour constate que si, selon le requérant, les produits trouvés lors des fouilles de sa cellule ne présentaient pas une dangerosité particulière, l’administration pénitentiaire a fondé sa décision sur son profil pénal et ses capacités financières importantes lui permettant d’obtenir des services de personnes extérieures, venant ainsi troubler l’ordre public en détention. La Cour ne doute pas de l’objectif de la mesure litigieuse, à savoir la protection de l’ordre interne de l’établissement pénitentiaire ou de ses occupants, la surveillance du requérant ayant révélé à plusieurs reprises, et même lorsqu’il était placé en isolement, des incidents qui, mis en perspective avec le profil pénal de l’intéressé, pouvaient faire craindre la commission d’autres infractions. La mesure litigieuse visait en particulier à clarifier comment le requérant se procurait les objets et produits non autorisés en détention et à empêcher la réitération des faits.La Cour relève par ailleurs que la décision d’isoler le requérant a été prise par le directeur de l’établissement pour une durée de trois mois, comme l’autorise les dispositions législatives et réglementaires internes. Si cette durée peut aggraver les effets négatifs de l’isolement, il convient de constater, premièrement, que le requérant n’a jamais prétendu ni devant les juridictions internes ni devant la Cour que la durée globale de son isolement constituait un traitement inhumain ou dégradant. Il ne s’est plaint en particulier devant la Cour, dans son formulaire de requête et dans ses observations, que du maintien de celui-ci après son hospitalisation, soit une période d’un mois et demi environ. Deuxièmement, la Cour constate que le requérant n’a jamais prétendu non plus que le régime de détention réservé aux personnes placées à l’isolement à des fins préventives prévu par la loi, à savoir un régime qui préserve au minimum l’accès aux communications téléphoniques, les droits familiaux, le droit à l’information, l’accès à la cantine et une promenade quotidienne contrevenait à l’article 3 de la Convention. Troisièmement, le requérant ne s’est pas plaint non plus des conditions matérielles de son placement à l’isolement. Enfin, la Cour observe que le directeur de la prison a décidé de la mainlevée de la mesure avant son terme, après avoir constaté une évolution positive de la conduite du requérant.La Cour note encore que si, selon le requérant, aucune évaluation de son aptitude à être placé à l’isolement n’a été réalisée par l’administration pénitentiaire, faute d’avoir été faite par un médecin n’intervenant pas dans la prison, il apparaît que son état de santé ne justifiait pas, en tout état de cause, le recours à une telle expertise après sa sortie de l’UHP. En effet, ainsi que les juridictions internes l’ont noté, aucun élément ne démontrait une aggravation de son état de santé. Dès lors, le placement à l’isolement après l’hospitalisation du requérant a pu être maintenu sur décision du chef de l’établissement.Enfin, s’agissant des garanties procédurales, la Cour relève que les pièces du dossier démontrent que le requérant a bénéficié d’un débat contradictoire en présence de son avocat lors d’une audience préalable à son placement à l’isolement définitif. Auparavant, le requérant a eu notification des pièces relatives à la procédure et a formulé des observations écrites. Le requérant a également introduit des recours rejetés par différentes juridictions. Il a, enfin, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité la mainlevée de la décision auprès de la direction de l’établissement pénitentiaire, qui a d’abord été refusée puis finalement acceptée. Dans ces conditions, la Cour estime que le requérant a bénéficié des garanties procédurales minimales requises en la matière et visant à éviter tout risque de décision arbitraire.