(Jur) Punition en France de détournements et blanchiment au détriment de la Russie

 In Divorce

Le procureur de la République financier est compétent, en application du 6° de l’article 705 du Code de procédure pénale, pour la poursuite du délit de blanchiment des infractions citées, notamment, aux 1° à 5° du même article, parmi lesquelles figure celle de détournement de biens publics prévue par l’article 432-15 du Code pénal, lorsque les faits revêtent un caractère de complexité qui peut être caractérisé, notamment, par la dimension internationale des faits, la présence de multiples sociétés écrans dans plusieurs pays considérés comme des paradis fiscaux et des circuits de blanchiment complexes.La Cour de cassation considère que les textes qui définissent le délit de blanchiment, qui est une infraction générale, distincte et autonome, n’imposent ni que l’infraction ayant permis d’obtenir les sommes blanchies ait eu lieu sur le territoire national ni que les juridictions françaises soient compétentes pour la poursuivre.Selon la société demanderesse, le procureur de la République financier n’a été institué que pour veiller à la moralisation de la vie publique française et ne peut connaître du blanchiment d’infractions commises à l’étranger susceptibles de correspondre aux délits visés dans le livre IV du Code pénal, consacré aux « crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique ».Cette interprétation stricte de l’article 705 susvisé, qui aboutirait à interdire à ce magistrat de connaître du délit de blanchiment de sommes provenant d’infractions commises à l’étranger et susceptibles de correspondre à celles constituant la catégorie des atteintes à la probité, va à l’encontre de la volonté du législateur qui, en votant la loi n° 2013-1115 du 6 décembre 2013, a souhaité doter l’organisation judiciaire d’un parquet hautement spécialisé dont l’objet, à la faveur d’une centralisation des moyens et des compétences, est de lutter contre les formes les plus complexes de la délinquance économique et financière à dimension, notamment, internationale.Elle est également en contradiction avec la volonté des instances européennes et internationales qui tendent à favoriser la dimension internationale des poursuites en matière de blanchiment.En l’espèce, les fonds investis dans l’acquisition d’un hôtel à Courchevel sont susceptibles de constituer le produit direct ou indirect de détournements qui auraient été commis par deux époux au préjudice des municipalités de la région moscovite.Il résulte des pièces de la procédure et des énonciations de l’arrêt attaqué que l’époux a été renvoyé devant le tribunal russe des chefs de 22 infractions liées au détournement de droits de créance envers les structures municipales de la région de Moscou pour la somme totale de 3, 6 milliards de roubles, à la dilapidation de fonds budgétaires confiés à l’intéressé en sa qualité de ministre des finances de la région de Moscou pour la somme totale de 3, 8 milliards de roubles, au blanchiment des droits de créance et au détournement de fonds appartenant à la structure SRR pour la somme totale de 7, 2 milliards de roubles, tandis que l’épouse a été renvoyée devant la même juridiction des mêmes chefs, à l’exception de ceux reprochés à son époux en sa qualité de ministre des finances.Ces faits, qui font intervenir des sociétés écrans situées dans plusieurs États étrangers, sont complexes au sens de l’article 705 susvisé.Par ailleurs les investigations effectuées sur le territoire français permettent de soupçonner que l’acquisition du bien saisi par la gérée par l’épouse, a été financée par des fonds constituant le produit des détournements susvisés.En conséquence, la Cour de cassation étant en mesure de s’assurer que les faits constituant l’infraction d’origine du délit de blanchiment, commis en Russie et consistant dans le détournement de fonds au préjudice de personnes publiques, peuvent recevoir en France la qualification de détournements de biens publics, faits prévus et réprimés par l’article 432-15 du Code pénal, déjà en vigueur à la date de commission des faits par les mis en cause, c’est à bon droit que le procureur de la République financier a diligenté, en France, une enquête préliminaire sur le blanchiment de fonds qui en constituent le produit.Pour confirmer l’ordonnance de saisie de l’hôtel rendue par le JLD, l’arrêt attaqué relève qu’il résulte de la note Tracfin que l’épouse de l’ancien ministre des finances de la région de Moscou, serait la fondatrice et gérante d’une société de droit américain spécialisée dans l’immobilier, au cœur d’une enquête russe portant sur des détournements de fonds publics.Les juges ajoutent qu’une holding, entièrement détenue par une société luxembourgeoise, elle-même détenue par sept sociétés également luxembourgeoises, a acquis plusieurs hôtels de luxe dont ledit hôtel, alors que le montant de son capital apparaît en inadéquation avec le montant des financements nécessaires à de telles opérations et qu’aucun flux destiné à ces acquisitions n’a transité sur l’unique compte de la société ouvert auprès d’une banque française.Ils constatent que les statuts constitutifs de la société mentionnent « les actes à accomplir pour le compte de la société en formation, à savoir la réalisation de toutes opérations permettant l’acquisition de tout ou partie du capital de la société des Hôtels à Courchevel, en substitution de la société américaine représentée par (l’épouse) ainsi que le financement de cette acquisition. » et qu’à la suite de la prise de participation dans la société des Hôtels, un avocat suisse représentant les intérêts de l’épouse en est devenu le gérant.Ils relèvent que l’origine des fonds mobilisés pour acquérir l’hôtel n’a pu être identifiée puisque ceux-ci n’ont pas transité par un compte ouvert au nom de la société et qu’il ressort des éléments exposés dans la requête du procureur de la République financier aux fins de saisie que l’épouse a pris la présidence de la société dirigeante du groupe.Les juges soulignent qu’il ressort des éléments exposés dans la requête susvisée que le commissaire aux comptes du groupe a déclaré avoir rencontré à Paris l’épouse qui s’était présentée à lui comme représentante de la société américaine et lui avait fait part de son intention d’acquérir les deux hôtels de luxe situés à Courchevel et un château en Dordogne appartenant à la société de ces hôtels, ce témoin ayant par ailleurs précisé que le prix d’acquisition des deux hôtels de Courchevel avait été fixé à 45 millions d’euros financé au moyen de deux prêts ros, contractés auprès d’une société de droit chypriote, elle-même financée à une certaine hauteur auprès du groupe américain, d’autres règlements provenant de sociétés basées sur le territoire des Iles Vierges Britanniques.Ils relèvent que la société chypriote a été ensuite absorbée par la société américaine, dirigée par l’épouse, qui est ainsi devenue l’unique créancière du groupe.Les juges rappellent que les autorités russes ont confirmé l’existence d’une enquête pénale mettant en cause plusieurs personnes, puis leur renvoi devant une juridiction de jugement du chef, notamment, de détournement de droits de créance commis au préjudice de structures municipales publiques et blanchiment de ce détournement.La chambre de l’instruction énonce qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, issus de la note Tracfin et de la requête du procureur de la République financier aux fins de saisie, que des faits, impliquant les époux, pouvant être qualifiés en droit pénal français de détournement de fonds publics, ont été commis sur le territoire russe et que l’acquisition de biens en France constitue une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits commis en Russie. Les informations transmises par les autorités russes, exposées dans la requête aux fins de saisie, caractérisent suffisamment le lien existant entre les détournements commis en Russie et l’acquisition des deux hôtels situés à Courchevel, puisqu’une partie du prix versé au vendeur de ces biens provenait d’un compte d’une société chypriote, lui-même alimenté par des fonds provenant de la société américaine, lui-même encore alimenté par le compte d’une société crédité par le montant de prêts, obtenus en apportant en garantie les droits de créance détournés.Elle énonce également que le lien existant entre cet investissement, l’achat de l’hôtel et les infractions commises en Russie est conforté par les constatations de Tracfin, qui mettent, notamment, en évidence l’opacité du circuit de financement de cette acquisition et la qualité de bénéficiaire réel de l’opération de l’épouse et que les pièces du dossier, dont la requérante a eu connaissance, sont ainsi suffisantes pour considérer que l’hôtel constitue l’objet de l’infraction de blanchiment du produit direct ou indirect du délit de détournement de fonds publics commis en Russie, pour laquelle l’épouse est susceptible d’être poursuivie et condamnée, la confiscation de ce bien étant, en cas de condamnation, encourue en application de l’article 131-21 alinéa 3 du Code pénal.Elle conclut que les pièces dont l’appelant a eu connaissance sont suffisantes pour justifier la saisie et que celle-ci portant sur un bien objet, dans sa totalité, du blanchiment du produit direct ou indirect de l’infraction de détournement de fonds publics commise en Russie, le principe de proportionnalité n’a pas lieu de s’appliquer.En prononçant ainsi, et dès lors qu’il a été communiqué à la société requérante les pièces sur la base desquelles la chambre de l’instruction s’est prononcée, et, notamment, la requête du procureur de la République financier faisant état tant du témoignage du commissaire aux comptes que du contenu de la demande d’entraide pénale internationale, cette juridiction justifie sa décision.

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