(Jur) Travail dissimulé dans le transport routier et questions de procédure pénale
À la suite d’un contrôle réalisé dans les locaux d’une société par des agents de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), cette administration adresse des rapports au procureur de la République appelant son attention sur l’importance prise, dans cette entreprise de transport routier de marchandises, par le recours à la sous-traitance auprès de sociétés de pays d’Europe de l’Est. Après que le procureur de la République eut ordonné une enquête, une information est ouverte auprès du juge d’instruction de Toulouse qui met en examen la société et son dirigeant des chefs, notamment, de travail dissimulé, par dissimulation d’emplois salariés et d’activité, marchandage, blanchiment.Sur requête en annulation, la chambre de l’instruction prononce l’annulation de certaines pièces de la procédure et émet trois commissions rogatoires internationales adressées en Bulgarie, Lettonie et Lituanie qui ne sont pas versées au dossier de la procédure.Pour écarter le moyen de nullité pris de ce que les agents de la DREAL ont procédé à un contrôle au sein de la société sans en avoir avisé préalablement le procureur de la République, l’arrêt attaqué énonce que l’absence de l’avis préalable n’est pas de nature à vicier le contrôle, dès lors que les opérations envisagées n’ont pas à être conduites sous le contrôle de ce magistrat.Les juges ajoutent que ce contrôle n’est pas assimilable à une visite domiciliaire ou à une perquisition, lesquelles sont strictement encadrées, ne revêt aucun caractère coercitif et ne conduit à aucune saisie de pièces, qu’aucune disposition légale ou conventionnelle n’exige que ce contrôle en entreprise soit réalisé en présence d’un conseil ou précédé d’une autorisation délivrée par un juge, enfin que l’agent de la DREAL a avisé les dirigeants de l’entreprise de la réalisation du contrôle et de sa date, en sorte qu’ils ont été mis en mesure de se préparer.Ainsi, et dès lors que les requérants n’établissent ni même n’allèguent l’existence d’un grief, l’arrêt n’encourt pas la censure.Justifie sa décision la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Montpellier qui, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que le contrôle a contrevenu au droit de la société à la protection de son domicile, relève que ledit contrôle en entreprise tel que fixé par l’article L. 3241-3 du Code des transports est proportionné à l’objectif recherché, les missions de la DREAL conduites sous l’autorité du ministre chargé des transports s’inscrivant dans le cadre de la vérification d’une mise en concurrence équilibrée et loyale, et que les conditions dans lesquelles est intervenu l’opération ne caractérisent donc pas une ingérence dans le droit de la société au respect de son domicile, dès lors que les dispositions des articles L. 1451-1, L. 3241-3 et L. 3241-4 du Code des transports, qui autorisent les fonctionnaires ou agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres à accéder aux locaux de l’entreprise, à l’exception des locaux d’habitation, entre 8 heures et 20 heures, répondent, sans disproportion, à l’objectif d’établir une concurrence libre et non faussée, en assurant des garanties suffisantes aux parties, et ne méconnaissent pas les dispositions de l’article 8 de la Conv. EDH.Aux termes de l’article 609-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale, lorsque la Cour de cassation annule un arrêt de chambre de l’instruction statuant en matière de nullité, la compétence de la chambre de l’instruction de renvoi est limitée, sauf s’il en est décidé autrement, à la solution du contentieux qui a motivé sa saisine.En application de l’article 174, alinéa 2, du même code, il appartient à la chambre de l’instruction qui annule une pièce de procédure d’annuler également, au besoin d’office, ceux des actes postérieurs dont cette pièce est le support exclusif et nécessaire.Il résulte de ces deux textes que la chambre de l’instruction de renvoi qui, prononçant sur la requête en nullité initialement soumise à la juridiction primitivement saisie, annule une pièce de procédure, doit procéder également aux annulations de conséquence qui s’imposent, peu important que les pièces concernées n’aient pas été, le cas échéant, versées au dossier soumis à la précédente juridiction.Il lui appartient en effet d’examiner le dossier dans l’état où il est mis à disposition des avocats des parties en application des dispositions de l’article 197, alinéa 3, du Code de procédure pénale.Cet examen par la chambre de l’instruction de renvoi ne prive pas les parties, le témoin assisté ou le juge d’instruction du droit de soulever la nullité d’actes viciés en eux-mêmes devant la chambre de l’instruction primitivement saisie dans le cadre d’une autre requête en nullité régulièrement déposée dans les conditions prévues par l’article 173 de ce code.Après avoir constaté, dans les motifs de l’arrêt, l’irrégularité d’une ordonnance autorisant des perquisitions, et ordonné l’annulation par voie de conséquence ou la cancellation de diverses pièces jusqu’à la cote D 9225, la chambre de l’instruction précise, dans le dispositif de sa décision, avoir « vu le dossier de la procédure arrêtée à la cote D 10450 ».Il en résulte que la chambre de l’instruction a examiné, comme elle le devait sous le seul angle des nullités de conséquence, et sans excéder l’étendue de sa saisine, le dossier de la procédure dans l’état où il se trouvait devant elle.Il résulte des articles 174, alinéa 2, et 609-1, alinéa 2, du Code de procédure pénale combinés qu’après que la juridiction de renvoi a annulé les pièces de procédure selon ce que commande la solution du litige dont elle est saisie, la chambre de l’instruction primitivement saisie ne peut, à l’occasion de l’examen d’une nouvelle requête en nullité, prononcer sans excéder ses pouvoirs l’annulation de pièces au motif qu’elles trouveraient leur fondement exclusif et nécessaire dans des pièces annulées par la cour de renvoi.Elle a en revanche le pouvoir soit d’annuler des actes viciés en eux-mêmes, quand bien même les pièces concernées auraient été, le cas échéant, versées au dossier soumis à la juridiction de renvoi, lorsque les lesdites nullités sont étrangères à la solution du contentieux dont la juridiction de renvoi était saisie, soit de prononcer la nullité de pièces qui n’avaient pas encore été versées au dossier de cette juridiction de renvoi, mais ont les actes initialement annulés par celle-ci comme fondement nécessaire et exclusif.En faisant droit à la requête du juge d’instruction tendant à voir étendre par voie de conséquence à d’autres pièces, l’annulation des actes et pièces prononcée par l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de renvoi, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse primitivement saisie excède ses pouvoirs.