QPC : la Quadrature du Net et autres [Droit de communication à la Hadopi]

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Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l’article 23-2 et du troisième alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qu’il a déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une de ses décisions, sauf changement des circonstances.Par une décision (Cons. const., 10 juin 2009, n° 2009-580 QPC), le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les trois derniers alinéas de l’article L. 331-21 du Code de la propriété intellectuelle, dans la même rédaction que celle contestée par les associations requérantes. Il a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de cette décision.Toutefois, depuis cette déclaration de conformité, le Conseil constitutionnel a jugé contraires au droit au respect de la vie privée, (Cons. const., 5 août 2015 n° 2015-715 DC) des dispositions instaurant un droit de communication des données de connexion au profit des agents de l’Autorité de la concurrence analogue à celui prévu par les dispositions contestées. Cette décision constitue un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées.En vertu de l’article L. 336-3 du Code de la propriété intellectuelle, le titulaire d’un accès à des services de communication au public en ligne a l’obligation de veiller à ce que cet accès ne fasse pas l’objet d’une utilisation à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin, sans l’autorisation des titulaires de ses droits, lorsqu’elle est requise. Au sein de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la commission de protection des droits est chargée, lorsqu’elle est saisie d’un manquement à cette obligation, de prendre les mesures destinées à en assurer le respect. Il s’agit, conformément à l’article L. 331-25 du même code, d’adresser aux auteurs des manquements à l’obligation précitée une recommandation leur rappelant le contenu de cette obligation, leur enjoignant de la respecter et leur indiquant les sanctions encourues à défaut.À l’exception du mot « notamment », les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 331-21 du Code de la propriété intellectuelle confèrent aux agents de la Haute autorité le droit d’obtenir communication, par les opérateurs de communication électronique, de l’identité, de l’adresse postale, de l’adresse électronique et des coordonnées téléphoniques de l’abonné dont l’accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé en violation de l’obligation énoncée à l’article L. 336-3 et le législateur a assorti le droit de communication contesté de garanties propres à assurer, entre le respect de la vie privée et l’objectif de sauvegarde de la propriété intellectuelle, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée.Toutefois, d’une part, en faisant porter le droit de communication sur « tous documents, quel qu’en soit le support » et en ne précisant pas les personnes auprès desquelles il est susceptible de s’exercer, le législateur n’a ni limité le champ d’exercice de ce droit de communication ni garanti que les documents en faisant l’objet présentent un lien direct avec le manquement à l’obligation énoncée à l’article L. 336-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui justifie la procédure mise en œuvre par la commission de protection des droits.D’autre part, ce droit de communication peut également s’exercer sur toutes les données de connexion détenues par les opérateurs de communication électronique. Or, compte tenu de leur nature et des traitements dont elles peuvent faire l’objet, de telles données fournissent sur les personnes en cause des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. Elles ne présentent pas non plus nécessairement de lien direct avec le manquement à l’obligation énoncée à l’article L. 336-3.Il résulte de ce qui précède que, dans ces conditions, le législateur n’a pas entouré la procédure prévue par les dispositions contestées de garanties propres à assurer une conciliation qui ne soit pas manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de sauvegarde de la propriété intellectuelle.Par conséquent, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre grief, les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 331-21 du Code de la propriété intellectuelle ainsi que le mot « notamment » figurant au dernier alinéa du même article doivent être déclarés contraires à la Constitution.En l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2020 la date de l’abrogation des dispositions contestées.

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